Certains experts du Comité pour l’élimination de la discrimination
raciale de l’Organisation des Nations Unies (CERD) se prononcent : « Les
experts s’indignent aussi des déclarations de Nicolas Sarkozy et de
Brice Hortefeux sur la possibilité de déchoir de sa nationalité un
citoyen naturalisé si ce dernier est condamné pour le meurtre d’un
policier, pour polygamie ou excision. Gun Kut, expert turc, déclare ne
pas comprendre « ce qu’est un Français d’origine étrangère : je me
demande si cela est compatible avec la constitution ». Pointant du doigt
la montée du racisme en France, le rapporteur de la session,
l’Américain Pierre-Richard Prosper, rappelle à la France son rôle moteur
dans la défense de la liberté et des droits de l’homme, soulignant
qu’il y avait aujourd’hui une contradiction avec l’image du pays à
travers le monde et la réalité. « Il y a un manque de volonté politique
pour changer tout cela », ajoute-t-il. Par ailleurs, l’expert togolais
Ewomsan Kokou constate ainsi que la France est confrontée à une
« recrudescence notable du racisme et de la xénophobie », malgré de
nombreux instruments légaux ». Source
En France, la Commission nationale consultative des droits de
l’homme (CNCDH) affirme le 9 août 2010 : « La CNCDH est très préoccupée
par la succession de déclarations officielles de caractère
discriminatoire à l’encontre des gens du voyage, des Roms, des
« Français d’origine étrangère » ou encore des mineurs délinquants et de
leurs parents (…) Dans le droit fil de son avis du 10 juillet 2010, la
CNCDH souligne que l’élargissement des cas dans lesquels une personne
serait déchue de sa nationalité introduit une distinction entre les
citoyens, ce qui est contraire au principe d’égalité. Cette mesure
resterait par ailleurs purement symbolique. Elle n’aurait de plus aucun
effet dissuasif et renforcerait de surcroît l’incertitude quant à
l’appartenance à la nation de ceux qui ont acquis la nationalité
française. Enfin, on ne peut que s’inquiéter de l’annonce de la
suppression de l’automaticité de l’acquisition de la nationalité
française, à leur majorité, pour des mineurs nés en France qui auraient
été condamnés et de la proposition de loi relative à la responsabilité
pénale des parents qui n’auront pas su faire respecter les obligations
auxquelles leurs enfants condamnés auront été soumis. Face à ces
déclarations « de guerre nationale contre la délinquance », un
renforcement des mesures préventives et éducatives accompagnées de
moyens humains et financiers semble plus approprié dans un Etat de
droit, conciliant liberté personnelle et sécurité juridique et récusant
toute forme de discrimination individuelle ou collective ».Source
Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux et ancien Président du
Conseil Constitutionnel en France affirme : « L’article premier de la
Constitution dit que (...) la France assure l’égalité devant la loi de
tous les citoyens sans distinction d’origine », qu’ils soient français
de souche ou d’origine étrangère, a martelé ce lundi sur France inter
Robert Badinter, l’ancien Garde des Sceaux socialiste. En voulant
sanctionner d’une certaine manière une catégorie de Français - ceux
d’origine étrangère - le chef de l’Etat « veut faire des discriminations
contre les Français au regard de mêmes crimes, de même infractions,
selon l’origine de la personne, selon les modalités d’acquisition de la
nationalité française », a insisté le socialiste. « C’est contraire à
l’esprit républicain », a-t-il résumé ». Source
« Laurent Bedouet, secrétaire général de l’Union Syndicale des
Magistrats (majoritaire), prend l’exemple de la condamnation pénale des
parents de mineurs délinquants qui ne se soumettraient pas aux
sanctions. « Personne ne peut être condamné pour une infraction commise
par quelqu’un d’autre, c’est contraire à la Constitution ». Source
Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à
l’université Montpellier-I affirme également : « On reproche parfois à
la constitution d’être floue, mais, dans ce cas, il n’y a absolument
aucune ambiguïté. Je suis catégorique : la seule manière de faire
rentrer dans le droit le discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble est de
remettre en cause le principe de l’égalité de tous les Français devant
la loi, sans aucune distinction de leur origine, ce qui reviendrait à
supprimer ou à modifier l’article 1 de la Constitution. J’insiste, car
cet article est absolument incontournable, et la proposition de Nicolas
Sarkozy s’y heurte directement. En France, on ne fait pas la distinction
entre quelqu’un qui a acquis la nationalité française et quelqu’un qui
l’est de naissance (...) Priver une personne de sa nationalité, c’est
comme la priver de son nom. C’est impossible. Ça touche à l’intime. Et
ce qui est grave, c’est que la déchéance de nationalité est ici utilisée
comme un instrument de politique pénale. Or le nom et la nationalité
sont inscrits dans la constitution d’une personne. Et c’est grave
également du point de vue du droit international : on ne rend pas
quelqu’un apatride. Ce n’est pas la première fois que Nicolas Sarkozy
bouscule un grand principe constitutionnel issu de 1789 : il l’avait
déjà fait avec la présomption d’innocence, la non-rétroactivité des lois
avec la loi sur la rétention de sûreté... Ce sont des piliers de la
maison France. François Fillon lui-même a déclaré à propos du voile
intégral qu’il fallait prendre "le risque de l’inconstitutionnalité".
Mais je ne suis pas inquiet, car le Conseil constitutionnel joue en ce
moment pleinement son rôle de gardien des grands principes qui fondent
le contrat républicain. On l’a vu dernièrement avec les modifications de
la loi sur les gardes à vue. Alors, difficile de savoir quelles sont
les intentions réelles du gouvernement : remplacer les principes de 1789
par d’autres principes ? Mais lesquels ? Sinon, c’est un effet
d’annonce... ». Source
Guy Carcassonne, professeur de droit public à l’université de
Paris-X-Nanterre, affirme également : « La nationalité, cela fait partie
intégrante de l’identité même de n’importe quel individu, au même titre
que son corps, que son nom, que ses sentiments ou ses convictions, tout
ce qui fait son intimité. L’en priver, ce serait porter atteinte à son
intégrité, une forme d’amputation. Même un mauvais citoyen reste un
citoyen. On peut le priver de sa liberté, mais pas de sa personnalité,
dont la nationalité fait partie ». Source
La ligue des droits de l’homme (LDH) en France parle de « xénophobie
avérée ». Elle affirme : « Ce ne sont pas les délinquants que Nicolas
Sarkozy poursuit, ce sont les Français d’origine étrangère et les
étrangers, qu’il désigne comme les boucs émissaires de tous nos maux. Ce
qui est ici en cause, ce n’est plus le débat légitime en démocratie sur
la manière d’assurer la sûreté républicaine, c’est l’expression d’une
xénophobie avérée. Quelle que soit la légitimité que confère l’élection,
aucun responsable politique ne détient le mandat de fouler aux pieds
les principes les plus élémentaires de la République, et de désigner à
la vindicte des millions de personnes ». Source
Le philosophe Bernard-Henri Lévy affirme que la proposition de
Sarkozy « contreviendrait de manière frontale à un axiome trois fois
sacré car inscrit dans le triple marbre des trois textes fondateurs de
notre vivre ensemble républicain : le programme du Conseil national de
la Résistance du 15 mars 1944, la Déclaration des droits de l’homme de
1948, la Constitution de 1958. Il postule, cet axiome, l’"égalité devant
la loi" (quelle que soit, précisément, leur "origine") de tous les
citoyens. Il dit qu’on est Français ou qu’on ne l’est pas – mais qu’à
partir du moment où on l’est, on l’est tous de la même manière. Il
insiste : on devient Français ou on ne le devient pas – mais, dès lors
qu’on l’est devenu, il est interdit de distinguer entre Français plus ou
moins français. On peut discuter, en d’autres termes, des conditions
qui permettent d’accéder à l’être-Français ; on peut les multiplier, les
affiner, les durcir, les solenniser : mais que l’on laisse s’insinuer
l’ombre de l’idée qu’il y aurait deux classes de Français selon qu’ils
sont nés Français ou qu’ils le sont seulement devenus, que l’on se
laisse aller à imaginer un ordre des choses où il y aurait les Français à
l’essai et les Français pour toujours, les Français en sursis et les
Français sans débat, les Français qui restent Français même s’ils
commettent des actes de délinquance et ceux qui cessent de l’être parce
qu’ils ne l’étaient, au fond, qu’à demi, voilà qui, si la France est la
France, n’est tout simplement pas concevable. Question de principe ». Source
Patrick Weil, historien et spécialiste des questions d’immigration,
affirme : « "Nicolas Sarkozy fait perdre à la droite républicaine ses
valeurs". "Il n’est pas besoin de ce point de vue de se référer à Vichy,
poursuit-il. De 1977 à 1980, Valéry Giscard d’Estaing avait voulu
renvoyer la majorité des immigrés maghrébins en situation régulière. Il
s’était heurté aux gaullistes et aux chrétiens démocrates de sa majorité
qui ont osé l’affronter." » Source
Pour une allusion aux propos nazis, voir les propos du député socialiste Michel Rocard à cette adresse :
Voir aussi : http://www.lemonde.fr/politique/art...
Au sujet de la xénophobie, voir : http://www.nytimes.com/2010/08/06/opinion/06fri2.html?_r=2&hp
Au sujet de l’incitation à la haine raciale, la journaliste Nabila
Ramdani (journaliste au Guardian) affirme : « There is no doubt that the
man currently under greatest suspicion for inciting racial hatred and
intimidation is President Nicolas Sarkozy himself ». Source
Éric Folot
Avocat et bioéthicien
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